Nous écrire :
Le développement du Canada a commencé avec la fondation de la
ville de Québec en 1608 et l’établissement de colons français
en Nouvelle France.
La population canadienne s’est développée en Nouvelle
France en deux étapes, la première est celle des compagnies
de commerce de fourrures de 1608 à 1663 et la seconde, celle du gouvernement
royal de 1663 à 1760.
Carte géographique de la Nouvelle France – (fr.wikivisual.com)
C’est
au cours de la première période que Denis Besnard et sa femme
Marie Michelet accompagnés de leurs deux filles, tous quatre originaires
de Châtres-sous-Montlhéry sont venus s’installer en Nouvelle
France.
Et c’est au cours de la deuxième période que Perrette
Hallier, originaire d’Égly, arrive elle aussi en Nouvelle France
en tant que Fille du Roi.
DENIS BESNARD ET MARIE MICHELET
Denis Besnard et Marie Michelet sont tous deux natifs de Châtres, ils
se sont mariés avant 1624 en l’église Saint-Clément.
Leur première fille, Marie, a été baptisée en
la même église le 1er juillet 1924 et la seconde, Marguerite,
le 22 février 1626. Le parrain de Marguerite était Jean Michelet
et la marraine Louise Besnard. Toutes deux ont été baptisées
par Gilles Bosdelle, curé de Chastres.
Il semble que le couple Besnard et ses deux filles aient émigré
vers la Nouvelle France en 1647. Quelles étaient les motivations de
ce départ ? Peut-être ont-ils été attirés
par une propagande en France qui avait pour but de peupler ce nouveau territoire
et de développer ses ressources. S’embarquer sur un navire pour
traverser l’Atlantique c’était aussi risquer sa vie dans
l’espoir de faire fortune, de trouver une vie meilleure. Des commerçants,
des marchands et des artisans en firent ainsi le pari. Toutefois, une grande
partie des immigrants était composée de simples soldats, de
paysans au service de seigneurs et de journaliers. Pour partir avec femme
et enfants il fallait que Denis Besnard ait eu l’assurance d’un
emploi en signant un engagement, contrat signé devant notaire, qui
incitait les colons à venir s’installer.
Extrait
d’un contrat de migrant français signé en l’année
1647
... C’est à savoir d’aller pour le dit ……..
au dit pays de la Nouvelle France servir le dit sieur de ….. pendant
et durant le temps de trois ans. Et a été fait en outre, moyennant
la somme de 90 livres par chacun an, que le dit sieur… a promis de payer
au dit …..
MARIE BESNARD
- Le 19 août 1647 Marie Besnard signe un contrat de mariage la liant
à Pierre Lemieux, tonnelier, né à Rouen en 1616, par
devant Claude Lecoutre dit Lachaisnée, originaire de Rouen, notaire
à Sillery, hameau de Québec. Il est arrivé de La Rochelle
quatre ans plus tôt. Le 10 avril 1643, à La Rochelle, Pierre
Lemieux s’engageait à travailler pendant trois ans en Nouvelle
France pour un salaire de cent livres dont soixante payables à l’avance.
Il immigra entre le 10 avril et le 31 décembre 1643.
À Québec, les tonneliers, comme les maçons et les forgerons,
sont les artisans qui répondent aux besoins des secteurs les plus dynamiques.
En effet, le tonneau est le contenant de l’époque tant pour les
marchandises humides (huile, poisson, vin…) que sèches (pois,
farine, sucre…)
Mariés le 19 septembre 1647, à l’église Notre Dame de Québec, Pierre et Marie s’installent à Beauport, quartier de Québec. Sept enfants naîtront de cette union : Guillaume en 1648, Pierre en 1650, Louis en 1652, Marie en 1654, Jeanne en 1656, Marie-Françoise en 1658 et Thomas en 1660. Après la disparition de Pierre en 1662, Marie vivra quelques temps chez Gabriel Lemieux, son beau-frère. Puis en 1668, elle épouse Antoine Genty. Tous deux vivaient à Gordonville, Québec en 1681. C’est là que Marie décède à l’âge de 57 ans cette même année.
MARGUERITE
BESNARD – Ce même 19 août 1647, Marguerite signe un contrat
de mariage avec César Leger par devant Claude Lecoutre. Le mariage
eut lieu le 26 août.
César Léger aurait été l’un des premiers
habitants de Montréal, maître taillandier, il y vécut
de 1643 à 1651. Cette même année il décéda,
âgé de vingt-cinq ans, dans la paroisse de Sillery à Québec.
En novembre 1651, Marguerite épousa en secondes noces Claude Bouchard
dit Dorval, chirurgien huissier de son état. Ensemble ils eurent neuf
enfants.
L’année 1663 fut plutôt agitée pour les résidents
du Québec : la terre trembla pendant plusieurs mois. La première
secousse eut lieu le 5 février 1663. D’effroyables tremblements
secouèrent ainsi toute la Nouvelle-France. Une Ursuline en a laissé
le témoignage suivant:
Ce tremblement de terre, l’un des plus violents qu’ait connu l’Amérique
du Nord depuis la colonisation, bouleversa le paysage. Des cours d’eau
disparurent, des rivières sentaient le soufre et certaines devinrent
jaunes et d’autres étaient rouges comme le sang. Les eaux du
Saint-Laurent semblaient blanchâtres. Des forêts entières
s’abattirent comme des châteaux de cartes, des crevasses s’ouvrirent
et des montagnes s’effondrèrent dans le Saint-Laurent. On a également
vu de nouveaux lacs apparaître.
À l’instigation de l’intendant de Québec, Jean Talon,
un recensement est réalisé en 1667. Sur les 547 personnes recensées,
les hommes sont environ deux fois plus nombreux que les femmes dans cette
ville. Ce qui amène Jean Talon à formuler l’une des premières
demandes au roi, celle favoriser une immigration plus importante des femmes.
C’est pour répondre à cette demande que seront éduquées
les Filles du Roi.
PERRETTE HALLIER
Fille de Jean Hallier et de Barbe Marineau, Perrette est née à
Égly, au hameau de Villelouvette vers 1651.
En 1669, Perrette est orpheline, elle est à Paris à La Salpétrière.
Là étaient accueillies des femmes indigentes et des orphelines.
On leur enseignait à lire, à tricoter, à faire de la
lingerie, de la broderie et de la dentelle ; de plus on leur donnait un enseignement
religieux. C’est ainsi que Perrette devint Fille du roi.
Filles
du Roi
Envoyées par Louis XIV peupler la Nouvelle France, ces filles étaient
âgées de 18 à 24 ans. La dénomination Fille du
Roi sous-entendait que ces immigrantes étaient pupilles de Louis XIV
et qu’à ce titre de protecteur, celui-ci suppléait aux
devoirs de leur père naturel en veillant sur elles et en les dotant.
En effet, le roi assumait les frais de transport et d’installation dans
la colonie. Elles recevaient un don royal de cinquante livres pour leur mariage
au Canada avec un colon célibataire et également pour chacune
« une cassette contenant : une coiffe, un mouchoir de taffetas, un ruban
à souliers, cent aiguilles, un peigne, un fil blanc, une paire de bas,
une paire de gants, une paire de ciseaux, deux couteaux, un millier d’épingles,
un bonnet, quatre lacets et deux livres en argent »
L’embarquement pour cette traversée de l’Atlantique se
faisait à Dieppe. Perrette s’y rendit en compagnie d’une
centaine d’autres Filles du Roi. Firent-elles ce voyage en chariot couvert
ou à pied ?
L’arrivée des filles du roi à Québec en 1667 -
(quebec-interculturel.org)
C’est sur le Saint-Jean-Baptiste qu’elles embarquèrent, navire d’une capacité de 300 tonneaux, pourvu de deux ponts et de deux gaillards.
Contre vents et marées, la traversée fut longue et pénible. Les passagers s’embarquaient alors sur les navires pour une durée de deux à quatre mois. Bien des passagers périssaient de faim, de froid ou de maladie. Le voyage sur le Saint-Jean Baptiste dura deux mois. Lorsqu’elles arrivèrent à Québec, certaines Filles du Roi furent confiées aux bons des Ursulines et des Hospitalières jusqu’à ce qu’elles trouvent un mari. Deux mois après son arrivée à Québec, Perrette se maria avec Antoine Bordeleau.
Qui est
Antoine Bordeleau ?
Fils de Jean Bordeleau et de Marie Colette Villain, il est né à
Dampierre-sur-Boutonné, en Charente Maritime, le 22 décembre
1633. Il est soldat du régiment de Carignan en 1665, année de
son arrivée à Québec.
LE REGIMENT
DE CARIGNAN-SALIERES
Le Canada est divisé en trois gouvernements à savoir Québec,
Montréal et Trois Rivières avec à leur tête des
gouverneurs généraux. Jusqu’en 1663, les habitants ne
doivent compter que sur eux-mêmes pour se protéger contre les
attaques des Iroquois. La Nouvelle France ne dispose pas encore d’armée
régulière jusqu’à ce que des soldats de l’armée
royale soient envoyés au Canada. En 1665, un millier de soldats du
régiment de Carignan arrivent à Québec avec comme principale
mission de mâter les Iroquois. Ce sont huit compagnies de cinquante
hommes chacune qui ont quitté La Rochelle le 19 avril 1665. Puis le
13 mai, huit autres compagnies entreprennent la même traversée
sur les navires, L’Aigle d’Or et La Paix. C’est sur ce dernier
que navigue la compagnie Maximy dans laquelle se trouve Antoine. Le voyage
prend fin à Québec le 19 août 1665, il aura duré
deux mois.
C’est au cours de cette année 1665 que les soldats du régiment de Carignan Salières construisent le Fort St Louis sur la rivière Richelieu afin de bloquer la route que les Iroquois empruntent pour attaquer Montréal et ses environs. En 1666, les Iroquois sont défaits. La paix est complètement rétablie en 1667. Un traité sera signé qui reconnaîtra la souveraineté du roi de France sur sa colonie.
Une fois
leur mission accomplie, le roi offre aux soldats de s’établir
au Canada et leur concède des terres le long du fleuve Saint-Laurent.
Environ quatre cents d’entre eux accepteront de rester.
Le 20 mars 1667, Antoine Bordeleau reçoit une concession de «
2 par 40 arpents » de terre dans Dombourg (appelé aussi Neuville).
Il y demeurera durant tout le reste de sa vie. Il promet d’entretenir
les chemins publics qui passeront sur sa concession, faire moudre ses grains
au moulin à vent, laisser « deux arpents de terre de profondeur
sur la largeur d’icelle pour servir de communs au sieur bailleur et
a tous les habitants » et même de les clôturer à
ses frais, de payer au seigneur 40 sols et deux chapons vifs de cens et de
rente. Le contrat est signé devant le notaire royal Pierre de La Chesnaye
Duquet.
Officier du régiment de Carignan - (cmhg-phm.gc.ca)
Comme Antoine,
la plupart des concessionnaires sont célibataires et en âge de
se marier. Ils vont donc aider au peuplement de la colonie en épousant
les Filles du roi.
Le contrat de mariage entre Perrette Hallier et Antoine Bordeleau est signé
le 29 septembre 1669 devant Pierre Duquet, le même notaire devant lequel
Antoine a signé son acte de délivrance de la concession. Les
termes de ce contrat sont conformes à la coutume de Paris.
La future épouse sera dotée du douaire coutumier, qui consiste
dans l’usufruit de la moitié des biens du mari, ou de la somme
de trois cent livres tournois de douaire préfix, qui consiste en une
somme déterminée. Le préciput sera réciproque
de la somme de cent livres.
Perrette apportait et mettait en communauté de biens avec son futur
mari, y compris la somme de cinquante livres a elle donnée par Sa Majesté,
la somme de quatre cents livres dont la somme de deux cents livres entrera
dans la dite communauté et la somme de deux cent livres restera nature
en propre a elle et aux siens de son costé et ligne.
Avec quatre cents livres, Perrette n’était pas la plus mal dotée,
cela représentait déjà un assez fort pécule. Les
témoins à la signature du contrat de mariage étaient
: Anne Gasnier et son époux Jean Bourdon Dombourg, et trois autres
Filles du Roi arrivées à Québec comme Perrette en 1669,
Marie Anne Dusaussay, Nicole Legrand et Marie de Lahogue, et le mari de Françoise
Desjardins, maître pâtissier, elle aussi fille du roi, arrivée
en 1665.
Le mariage fut célébré le mardi 15 octobre 1669. De cette union naîtront deux enfants : Antoine en 1673 et Marie-Louise en 1676. Si Perrette Hallier figure sur le recensement établi en juin 1681, c’est cette même année, à l’été ou à l’automne, qu’elle retourne en France. Elle quitte son mari et ses deux enfants âgés seulement de 8 ans pour Antoine et de 5 ans pour Marie Louise. Lors de la donation faite par Antoine Bordeleau à son fils en 1700, il est mentionné sur l’acte que Perette Hallier est « absente de ce pays pour le voyage de France depuis plus de vingt ans et de laquelle le dit Antoine Bordeleau père n’a depuis le temps eu aucunes nouvelles… ». Qu’est devenue Perrette Hallier et comment le voyage de retour de déroula-t-il ? Autant de questions qui restent sans réponses. Il ne semble pas que Perrette soit revenue à Égly.
Sources :
Registre
état civil Arpajon
Chercher fortune en Nouvelle France – Jean Pierre Hardy - Éditions
Libre Expression, 2007
Les Filles du Roi – roman de Colette Piat – Éditions du
Rocher,1999
Site internet de Claude Bordeleau - http:/www.acpo.on.ca/claude/nos-anct.htm
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(1)
Droit reconnu à certaines personnes appelées à un partage
de prélever, avant celui-ci, une somme d’argent ou certains biens
de la masse à partager.
(2) Anne Gasnier, femme de Québec, fut désignée à
l’un de ces voyages pour se rendre en France afin de participer au choix
des recrues qui présentaient le meilleur potentiel d’adaptation
à la vie en Nouvelle France.